Le Roi Lion, critique du remake naturaliste

  • Réalisé par : Jon Favreau

  • Bande Originale : Hans Zimmer, Tim Rice et Elton John

  • Durée : 1h58 min

  • Sortie en France le : 17 juillet 2019

En acceptant d’adapter Le Roi Lion de l’animation à la prise de vue réelle, Jon Favreau s’est lancé dans une aventure particulièrement périlleuse qui allait susciter la polémique. Plutôt que de réécrire le film original, au risque de l’aliéner, il fait ainsi le pari de ne retoucher essentiellement que la forme. Surprise : c’est par son excellence technique qu’il trouve ses différences. Son approche réaliste transforme l’original qui parlait d’héritage en un film écologique : s’il faut préserver ses origines, il ne faut pas négliger non plus la terre elle-même, qu’il s’agisse de celle des lions ou de notre planète toute entière.

Le Roi Lion, héritier de la tradition des remakes faits par Hollywood

Rédiger la critique du Roi Lion est une tâche particulièrement ardue. Le film produit par Don Hahn en 1994 est devenu culte pour de très nombreuses personnes et a une place de choix au panthéon des films d’animation. Il était dès lors évident qu’il allait cristalliser les reproches faits en général à ces adaptations : opportunisme business pour surfer sur la nostalgie de l’original, manque de prises de risques, d’audace ou d’imagination… Qu’importe les raisons, le constat est édifiant : une bonne majorité se sont déjà fait un avis avant la sortie du film. Avant de les aborder négativement et de se faire un avis biaisé, il est nécessaire de faire appel à sa mémoire et de revenir bien en arrière. Les Studios Disney ont toujours puisé leur inspiration dans les contes, les livres, le théâtre même… 

On peut commencer par citer les courts métrages Laugh-O-grams, réalisés alors que Walt Disney était encore à Kansas City et avant le début de sa carrière à Hollywood, ou encore la série Alice Comedies (série à la fois influenceur et influencée par Lewis Caroll)… de nombreux courts originaux de Mickey Mouse et ses amis sont souvent des versions revisitées d’autres contes aussi, et son premier long-métrage lui-même, Blanche-Neige et les Sept Nains, puise son origine dans un film muet que Walt a pu voir au cinéma dans sa jeunesse… Film inspiré par l’histoire des frères Grimm qui ont pioché dans les contes oraux et qui est un amalgame d’influences diverses.

Le Roi Lion continue ainsi la tradition des histoires orales transmises de génération en génération, même si le média -la parole- a laissé sa place à l’image : elles lient les peuples et soudent les générations entre elles. La morale et le message évoluent subtilement selon le narrateur ou le conteur, qui adapte au grès de ses propres sensibilités les enseignements prodigués.

S’il est vrai que jamais il n’y a eu autant de remakes, surtout condensés sur une période relativement courte (la phase actuelle a commencé avec la sortie d’Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton en 2010), vous pourrez noter que ce procédé est loin d’être neuf. Certains films ont même déjà été adaptés deux fois : Le Livre de la Jungle est sorti en 1967 et a déjà eu droit à son premier remake en 1994 avant celui de Jon Favreau de 2016 (et ne parlons pas de tous ses dérivés : séries tv, suites…).

Dès lors et fort de ces constats, il est hypocrite de stigmatiser la créativité de Disney qui perpétue une tradition ancestrale…

Une véritable révolution technique qui sublime la réalité

Le Roi Lion est présenté comme une adaptation live, ce n’est pas tout à fait juste mais je vais continuer tout de même à l’employer par commodité. Disons que le terme adaptation réaliste serait plus approprié. Rien de ce qui est à l’écran n’a été réellement filmé physiquement : les animaux, les environnements, le ciel et toutes les particules ont été créés grâce à l’informatique. Le résultat est bluffant, réellement plus vrai que nature. La réalité et la fiction se mélangent en une œuvre singulière et révolutionnaire dans son procédé, si bien que la fameuse suspension consentie de l’incrédulité se fait dès le premier plan. 

Pour tourner ce film, qui hérite aussi bien de l’original que du documentaire animalier, Jon Favreau a vissé sur sa tête un casque de réalité virtuelle et comme dans un jeu, prenait les prises de vue qu’il souhaitait. Les environnements ont été modélisés totalement, du Rocher des Lions jusqu’au cimetière des éléphants et l’équipe technique, dans leurs avatars respectifs, pouvait s’y déplacer à 360°.

Le réalisme est saisissant et d’une beauté esthétique sidérante. Le Roi Lion est une œuvre d’art et le plus beau film jamais réalisé au cinéma. L’animation est toujours juste, chaude et avenante, et elle nous happe littéralement et on oublie qu’il ne s’agit “que” d’images de synthèse.

Le graphisme du film permet de changer également sa focale. L’original parlait d’héritage, de succession et du cycle de la vie. Cette nouvelle version le fait lorgner vers le naturalisme et le transforme en une ode écologique. C’est la Terre qui est ici mise en avant : son écosystème, sa diversité, sa beauté… et sa fragilité. Elle représente la vie telle qu’elle est mais que l’on ne perçoit pas toujours : nous sommes tous connectés les uns aux autres. Les actions que je fais ont une répercussion sur mon semblable mais aussi sur mon environnement. Nous sommes tous liés dans le cycle de la vie, quelle que soit notre place. Nous avons la responsabilité de nous en souvenir pour considérer nos actions avec sagesse. Les quelques ajouts du film vont toujours dans ce sens et illustrent avec finesse l’équilibre qu’il nous faut atteindre. Le Roi Lion dépeint la vie telle qu’elle devrait être et grâce à l’imagerie réaliste, le film réussi à transcender le réel, chose que son modèle n’avait pas tenté de faire. Si on y retrouve beaucoup de plans similaires et de dialogues empruntés de l’original, l’ambiance et le ton de cette version le change profondément. Le remarquer demande un petit effort et une grande prise de recul, ce qui explique une bonne partie des critiques les plus véhémentes.

Un pari bien plus risqué qu’il n’y paraît

Parlons un peu business maintenant. Chaque film est un pari risqué et la garantie d’un succès n’est jamais acquise. Il ne répond pas à une logique tangible et il est impossible à prédire, malgré les projections tests et les précautions prises pour s’assurer, au moins, de rembourser les frais. C’est le marketing qui limite les risques d’une certaine manière et qui peut susciter l’intérêt, la qualité n’étant qu’une valeur fortement subjective et n’étant pas un critère de succès commercial. Le public ne se déplace que difficilement lorsqu’il ne peut pas anticiper ce qu’il va voir. Les adaptations lives tombent à point nommé : la publicité est déjà faite en partie, héritée du modèle original, tandis que le public connaît déjà l’univers et les personnages. Il est particulièrement irritant de voir alors tant de monde cracher dans la soupe alors que le public est lui-même responsable de ces films. Où était-il quand John Carter, Lone Ranger ou A la Poursuite de Demain ont tous les trois échoué au box-office ? Notez que je ne parlerai pas de la dernière création originale Un Raccourci dans le Temps, bien trop indigeste pour moi (je me rends compte que j’avais un avis plus positif au moment de sa rédaction que les mauvais souvenirs que j’en ai aujourd’hui… ).

Comme pour Aladdin ou La Belle et la Bête, le public va se ruer en masse pour voir Le Roi Lion… parce qu’il s’agit d’un univers qu’ils connaissent et qu’ils maîtrisent. Il n’y a pas de saut dans l’inconnu ni de surprise à anticiper. En contrepartie, pour l’apprécier réellement, il faut aussi mettre de côté la nostalgie qui empêche de regarder l’objet pour ce qu’il est.

Jon Favreau et son équipe ont décidé de conserver l’esprit de l’histoire originale tout en lui apportant une nouvelle saveur : certains éléments sont adaptés pour moderniser le traitement, d’autres sont étoffés pour donner plus de matière… Le réalisateur a dû jongler avec un matériel qui résonnait dans l’inconscient collectif tout en y apportant une nouvelle fraîcheur, soit un véritable numéro d’équilibriste. Le vrai défi est là : raconter la même histoire, d’une façon différente, en satisfaisant les spectateurs qui connaissent l’original par cœur tout en arrivant à les surprendre quand même. Sacré challenge, mais mission réussie tout de même !

La musique du Roi Lion, composante essentielle

Les chansons de Tim Rice et d’Elton John et la musique de Hans Zimmer résonnent encore dans nos têtes 25 ans après leur sortie. Elle est devenue légendaire et il n’était pas question de la changer. On retrouve l’intégralité de la bande originale agrémentée d’un nouveau titre appelé Spirit, interprété par Beyoncé qui double Nala dans la version anglaise. Cette chanson est mon principal reproche du remake. Elle intervient tardivement dans le récit pour une scène de transition, qui aurait pu être à la fois épique, émouvante et poétique mais qui retombe comme un soufflet. Ce titre ne fonctionne pas du tout avec les autres chansons du film et il dénote beaucoup trop. Les influences pop de la diva n’ont strictement rien à faire dans Le Roi Lion et, pire encore, on a la sensation qu’elle a été ajoutée par-dessus l’action sans soucis de cohérence. C’est très brutal et particulièrement mal intégré. Heureusement, la séquence est très brève, mais elle casse la fin du film à cause du problème de rythme qu’elle amène. C’est très gênant, on dirait un passage de promotion forcé pour un futur album… Tout laisse à croire que la musique a été ajoutée sur l’action après le montage sur ordre d’un manager des studios plutôt que d’un créatif.

Elton John est également revenu avec un nouveau titre qui ne sera joué que pendant le générique de fin : Never Too Late. Il reste plaisant, même s’il n’est pas au niveau de Can You Feel the Love Tonight (et comment aurait-il pu ?). Petite surprise aussi : l’interprétation de He Lives in You, sauvetage musicale du Roi Lion 2 : L’Honneur de la Tribu… chanté cette fois en swahili !

Alors, dois-je aller voir Le Roi Lion ?

Oui ! C’est une maestria technique et aucun film, tout studio et tout genre confondu, n’est aussi beau artistiquement : on parle d’une véritable révolution, rien de moins. Côté histoire, Le Roi Lion suit la trame de son aîné et y emprunte la majorité de ses plans, mais son approche réaliste l’a transformé en une fable écologique sur la Terre. Le film élève les consciences sur les animaux et sur la beauté de notre planète. A n’en pas douter, il va créer des vocations et va servir d’inspiration antispéciste pour les années à venir.

On a aimé

  • La beauté du film, avec une technique ahurissante de réalisme

  • Le changement de focale : Le Roi Lion devient une ode à la nature

On n’a pas aimé

  • L’ajout de la nouvelle chanson de Beyoncé, Spirit