Critique de Captain Marvel, la plus puissante des héroïnes Marvel (pour le moment).

  • Réalisé par : Anna Boden et Ryan Fleck

  • Bande Originale : Pinar Toprak

  • Durée : 2h04 min

  • Sortie en France le : 6 mars 2019

Vous vous demandez qui est le plus puissant des super-héros Marvel ? Eh bien c’est une femme ! 
Portant le nom de la Maison des Idées, Captain Marvel ne pouvait pas être une héroïne comme les autres. Tous les fans le savent : elle symbolise la relève des Avengers ; le sang neuf qui s’apprête à débarquer après dix ans de films et vingt opus du Marvel Cinematic Universe. Rien d’étonnant à retrouver alors une Origin Story classique, comme les autres grands héros – Iron Man, Captain America, Thor, avant elle.

Le couple de réalisateurs : Anna Boden (la première femme à officier à ce poste chez Marvel Studios) et Ryan Fleck font le choix du classicisme pour introduire proprement ce personnage déterminant. Cela n’empêche pas un traitement original aux airs indé pour finalement sonner presque davantage comme un buddy movie plus qu’un film de super-héros.

Captain Marvel ou la réécriture de l’origin story chez les super-héros

D’emblée, le film commence sans artifice et sans introduction, cherchant à brouiller les pistes par sa construction mystérieuse. Il embrasse immédiatement la psyché de Vers (le nom Kree de Carol Danvers) en ne cherchant pas à quantifier sa puissance mais à évaluer son humanité. Le personnage brillamment incarné par Brie Larson (Oscarisée pour Room de Lenny Abrahamson) est littéralement perdu au milieu de la guerre galactique que se livrent deux espèces : les Krees et les Skrulls, ces derniers ayant la particularité de pouvoir prendre l’apparence de n’importe qui. Comme eux, le genre du film mute sans cesse et se renouvelle à chaque rebondissement : tantôt un film de science-fiction, puis un film d’enquête, il lorgne ensuite vers le space-opéra pour s’achever dans le plus pur genre du super-héros. Le scénario à tiroir surprend également davantage qu’à l’accoutumé puisqu’il réserve son lot de surprises (dont certaines pourraient probablement diviser les fans des comics).

Cette déconstruction amusante pour un genre d’habitude construit sur le même schéma n’est pas une surprise compte tenu du coupe de réalisateurs. Anna Boden et Ryan Fleck se rencontrent alors qu’ils sont encore étudiants à New York en 2002 et collaborent ensemble très rapidement. Ils réalisent plusieurs courts-métrages tandis que Ryan Fleck réalise en solo le film Half Nelson, primé au Festival de Sundance en 2016 avec Ryan Gosling. Le film fait sensation et a la chance d’être nommé aux Oscars en 2007. Vient ensuite Une Drôle d’Histoire en 2010 puis Under Pressure avec Ryan Gosling à nouveau. Marvel Studios a confié les rênes de Captain Marvel à un duo de réalisateurs à contre-courant ; un pari risqué mais qui s’avère au final payant, tant la fraîcheur et la sensation de nouveauté l’emporte sur l’enrobage somme toute classique.

Enfin, Captain Marvel est le pont avant le grand final que représente Avengers : Endgame. Elle a la tâche de préparer le terrain pour les nouvelles histoires à venir de Marvel après l’achèvement de la Phase 3. Une nouvelle menace est introduite, de nouveaux enjeux se dessinent… alors que la menace Thanos a déjà fait des dégâts. Celle qui est sans conteste la plus puissante des héroïnes s’apprête à entrer en scène et va réduire considérablement le champ d’action du Titan. Elle est à la fois la fin et le commencement si bien qu’une origin story était obligatoire pour présenter toute la complexité de Carol Danvers.
Comme Captain America : First Avenger en son temps, qui lui aussi est devenu le leader des Avengers, le film ne se passe pas à notre époque mais a été judicieusement placé dans les années 90. En jouant sur la fibre nostalgique, il permet de taper amicalement sur l’épaule des trentenaires et prend des airs de road movie avec l’introduction du jeune Nick Fury. Les 90’s sont aussi l’occasion de sortir les VHS, les tubes cathodiques, les vinyles et de nombreuses références appuyées à cette génération pas si lointaine que ça. On pense alors au phénomène actuel initié par la série Stranger Things qui veut saupoudrer de nostalgie une grande partie de la production cinématographique et télévisuelle. Cela se fait subtilement pour Captain Marvel, car cela ne dépasse jamais le stade de la boutade sympathique ou de petits gimmicks (surtout concernant la bande son), tout en lui donnant un cachet unique.

A noté que le procédé technique permettant de rajeunir Samuel L. Jackson est bluffant ! Lola VFX, l’entreprise leader de ce secteur qui avait commencé sur Captain America : First Avenger (encore lui !) a peaufiné le procédé et atteint ici la perfection. Le léger malaise que l’on pouvait éprouver en voyant Kurt Russel rajeuni dans Les Gardiens de la Galaxie 2 est définitivement oublié et la technique a fait un bon important. Dommage que le reste des effets spéciaux ne soient pas toujours égal, notamment lors des phases de vol de Captain Marvel qui sont bien trop lisses. Les effets spéciaux les plus réussis sont ceux qui ne se voient pas : voir Nick Fury jeune avec ses deux yeux et retrouver Phil Coulson est si naturel que l’on ne s’imagine pas l’application du numérique sur les visages.

Captain Marvel est le nouveau porte-étendard des super-héros

Il aura fallu attendre dix ans pour que Marvel Studios se décide enfin à sortir un super-héros au féminin. Alors que Scarlett Witch et Black Widow ont été introduites depuis belle lurette maintenant, aucune des deux n’a encore eu les honneurs d’un film solo. Carol Danvers marque ainsi un véritable tournant dans la filmographie de la Maison des Idées. En étant la plus puissante de tous les personnages (et cela se voit incontestablement dans le film), elle marque ainsi clairement la transition déjà entamée avec Infinity War, qui s’achèvera dans Endgame, et la passation de pouvoir entre les personnages classiques (présents depuis la phase 1) et les nouveaux. Elle montre aussi un changement d’approche de la diversité dans le tout Hollywood et dans notre société contemporaine. Comme Black Panther l’année dernière, elle parle de notre problème de l’inclusion sans entrer dans les clichés incessants partagés par les blockbusters. Il faut dire qu’en une décennie, il s’est passé énormément de choses, dont l’affaire Weinstein, qui a ouvert les vannes, délié les langues, et a soulevé les problèmes liés à l’intégration des femmes dans le paysage cinématographique.
Porte-parole de ce changement (Brie Larson revendique être féministe), Carol Danvers n’est pas un bête copié/collé de Tony Stark ou de Steve Rogers : avec sa force de caractère et ses opinions qui sont les siennes. Le personnage a été écrit avec subtilité et montre à quel point Marvel n’est pas qu’un phénomène culturel mais aussi politique et sociétal. Les réalisateurs nous dépeignent une héroïne plus réaliste qu’à l’accoutumé et se focalisent sur son humanité plus que ses pouvoirs, finalement peu utilisés dans le film. On reste proche d’elle à chaque instant et son charisme ravageur fonctionne immédiatement. Sa quête est une belle métaphore sur la place des femmes dans la société : elle nous prouve qu’une super-héroïne n’est qu’une humaine qui dépasse ses propres limites, imposées par un manque de confiance et par la main des hommes qui veulent la brider. Ses failles et ses erreurs la rendent encore plus attachante et on ne tombe pas dans le piège de la déesse inaccessible (dont Wonder Woman de DC s’est pris les pieds en plein dedans). La relève est assurée et les Avengers seront entre de bonnes mains ! On n’a actuellement qu’une hâte : c’est de la retrouver dans la suite de ses aventures.

Captain Marvel lève le voile sur certains mystères du MCU en cherchant à séduire les fans

Le retour dans les années 90 permet à Marvel Studios d’explorer de nouvelles pistes et de dévoiler quelques mystères liés au MCU dans son ensemble. En première ligne, on retrouve Nick Fury à ses débuts dans le SHIELD. Le personnage est ainsi plus enjoué et plus nonchalant qu’à l’accoutumé. C’est un plaisir de le voir évoluer pour une fois en première ligne alors que l’Avengers Initiative n’avait pas encore pointé le bout de son nez. L’homme qui semblait crouler sous ses nombreux secrets est dépeint aussi plus humainement, sans sa paranoïa légendaire. On découvre une nouvelle facette du personnage que l’on ne soupçonnait pas du tout et qui nous permet de mieux apprécier le personnage. Inutile d’attendre une romance entre lui et Carol Danvers : en bon film féministe, l’amour n’est pas utile pour que l’alchimie entre le duo fonctionne.

Marvel a su encore une fois retrouver cet équilibre si particulier entre drame et humour et on sent le studio de plus en plus rôdé à l’exercice, en ne réitérant plus l’erreur de Thor : Ragnarok ou des Gardiens de la Galaxie 2 qui donnait parfois la sensation de voir une compilation de sketchs. Les séquences avec Goose (le chat de Captain Marvel) et Nick Fury sont particulièrement exquises.

Petite déception : on s’attendait à découvrir une vraie révélation quant à la non-participation de Captain Marvel aux précédents événements du MCU, mais la raison donnée n’est pas vraiment satisfaisante. Elle fonctionne, mais on ne pourra pas dire que les scénaristes se sont réellement foulés. En vérité, et c’est hélas moins glamour, on sent que le personnage n’avait pas vraiment été prévu il y a encore dix ans. Sa volonté de le raccrocher à ce que l’on connaît donne souvent la sensation de voir un film réalisé purement pour les fans, avec des clins d’œil par-ci par-là qui l’intègrent dans le scénario général. Ce n’est pas gênant, mais cela peut faire sortir du rythme quand il est trop appuyé.

Les ramifications du scénario vont s’étendre au-delà des prochains films, mais pour l’instant la focale se fait encore sur Endgame et tant que ce dernier n’est pas sorti, Carol Danvers restera dans l’ombre. Captain Marvel n’est pas un faire-valoir pour opérer une simple transition entre les deux derniers volets d’Avengers, mais elle est prise comme telle pour le moment, comme ce fut le cas pour Captain America à ses débuts qui a eu du mal à convaincre. Il a fallu attendre deux autres apparitions pour asseoir son statut et faire adhérer le public. Gageons que Captain Marvel suivra le même chemin pour devenir une étoile, car tel à toujours été son destin.

Alors, on recommande Captain Marvel ?

Oui ! Captain Marvel est le synonyme du renouvellement et la preuve qu’une recette classique arrive quand même à surprendre par un traitement original. Carol Danvers est un personnage particulièrement réussi, mis en valeur par Brie Larson, qui devient immédiatement attachant. Malgré sa puissance, qui ne cherche pas à être prouvée, c’est son humanité et son réalisme qui retiennent notre attention. Qui plus est, le duo qu’elle forme avec Nick Fury confère au film des airs de buddy movie tendance indé à un genre souvent cloisonné.

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On a aimé

  • Carol Danvers, la nouvelle héroïne portée à bout de bras par une Brie Larson à l’aise dans le rôle

  • Revoir l’agent Phil Coulson du SHIELD

  • Nick Fury dans un rôle à contre-emploi

  • Le premier vrai film féministe de Hollywood, qui n’en fait pas de trop et qui n’est pas indigeste

On n’a pas aimé

  • Un peu trop de fan service

  • Quelques effets spéciaux ratés, notamment pendant les scènes où vole Captain Marvel