Vaiana, la Légende du Bout du Monde : partons à l’exploration des mers de Polynésie !

Le Disney de Noël 2016 nous emmène profiter du soleil de Polynésie avec la princesse Vaiana, fille du chef de Motunui.  Au cours de sa quête, elle affrontera avec Maui de nombreuses créatures mythologiques et étranges… pour finir par se découvrir elle-même.

Pour la 7ème fois, et après La Princesse et la Grenouille en 2009, John Musker et Ron Clements prennent les commandes d’un film d’animation novateur sur de nombreux points. Ecologique et féministe, sa profondeur torpille la concurrence et les plus gros blockbusters de 2016.

Vaiana, une princesse féministe pas tout à fait comme les autres

Depuis leurs origines, les films d’animation Disney nous ont emmenés à travers le globe, pour dépeindre des fresques humaines en se basant sur des histoires venues du monde entier. Pour le 56ème Classique d’animation Disney, les Walt Disney Animation Studios nous entraînent en direction de la Polynésie pour rencontrer Vaiana en pleine quête intérieure. Il s’agit d’un nouveau cadre qu’ils n’avaient jamais exploré en profondeur jusqu’à présent. Malgré quelques similarités, avec Lilo et Stitch on restait cantonnés à Hawaii.

Revenons à Vaiana, qui mène une vie paisible sur son île. Son destin est déjà tout tracé, et en tant que fille du chef du village Motunui, elle est élevée pour pouvoir prendre la relève et guider son peuple. N’importe quelle princesse serait déjà à son aise mais Vaiana est tiraillée par son envie d’explorer le monde qui l’entoure. Comment concilier la place qui lui est accordée, qu’elle ne peut rejeter, et son désir de voyage et d’aventures ? Quand une malédiction étrange et mystérieuse finit par toucher l’île, elle trouvera finalement la force de partir en mer, déterminée à mettre fin à ce mal.

Comme les autres princesses Disney, le voyage de Vaiana prend des airs de rite initiatique. Elle répond aux codes habituels, avec ses personnages secondaires et sa chanson phare. Les fans ne seront pas dépaysés et trouveront rapidement leurs marques.
En apparence, Vaiana est une princesse comme les autres… Mais plus le film avance, plus sa singularité est évidente. Plus complexe, plus subtile dans son traitement, elle est avant tout un personnage féministe et déterminé. Bien que vaguement aidée (c’est peut-être elle qui l’aide davantage) par le demi-dieu Maui, elle n’a pas besoin d’homme pour lui dire quoi faire et elle prend son destin en main.
Malgré les grandes distances qu’elle parcourt, elle effectue aussi un puissant voyage intérieur, où elle apprend à la fois à connaître son héritage et le monde qui l’entoure. Elle est finalement érigée en protectrice de la nature dans le sens noble du terme. Elle embrasse totalement ses origines, et, fière de son passé, elle aide son peuple à avancer et à se reconnecter à ses racines.

Un classicisme au service d’une modernité plus prononcée

Vaiana contraste totalement avec Maui, qui, malgré son statut de demi-dieu, est un personnage hautain et très arrogant. Lui aussi est utilisé à contre-emploi : il est une espèce de variation du Génie d’Aladdin (réalisé par Musker et Clements aussi, tiens donc), mais les similitudes s’arrêtent là à cause de son caractère à priori détestable. Il faudra du temps pour s’habituer au personnage, pour briser la glace et finalement s’attacher à lui. C’est d’ailleurs à l’apogée de ce voyage, vers la fin du film, que cela se produit enfin.

Un petit mot aussi sur Te Ka, l’antagoniste principal du film, dont je ne dirais volontairement pas grand chose. Cette entité maléfique d’un nouveau genre porte en elle le message du film. Un personnage vraiment intéressant et très surprenant. Regardez-le pour comprendre, nous n’en dirons pas plus.

Un tout petit bémol pour Tamatoa par contre, un ennemi secondaire que les héros doivent affronter à mi-parcours. L’environnement dans lequel il évolue est intéressant, mais il en est autrement pour le personnage en lui-même. C’est peut-être la séquence que nous avons trouvé la moins réussie, sans doute à cause de la chanson dont l’air ne nous a pas entraînés (il est vrai que le titre Bling Bling à lui seul nous irrite déjà… cela passe mieux en anglais, mais la séquence n’est pas plus réussie).

Enfin, même les sidekicks sont traités de façon inhabituelle pour le genre. Pua, le cochon mignon tout en rondeur de Vaiana est très peu présent, tandis que Hei Hei occupe une place un peu plus grande. Il est probablement l’un des personnages les plus drôles que Disney ait réalisés, avec des gags absurdes et totalement surréalistes. Il ne parle pas, n’a pas franchement de rôle actif, mais il sublime les séquences dans lesquelles il apparaît par son côté décalé.

En somme, le film est poétique, il apaise et il rassure : nous pouvons changer les choses, nous avons la force de le faire et notre cœur peut nous guider. Malgré les apparences, malgré les obstacles, nous pouvons aller plus loin que ce que les conventions nous le laissent supposer. Elles sont des barrières à briser et seule notre force intérieure peut nous aider à nous dépasser. How Far I’ll Go, le titre phare du film, résume bien ce message sous-jacent (dommage pour la version française Bleu Lumière qui est bien moins puissante).

Des prouesses techniques sans pareil

Dès l’ouverture du film, la beauté des graphismes saute immédiatement aux yeux. Les couleurs sont chatoyantes et douces comme le soleil. Si vous étiez réticent à l’utilisation de l’image de synthèse dans les films, il est probable que vous changiez d’avis à présent. Vaiana réconcilie l’animation traditionnelle avec le numérique, un héritage porté par ces deux réalisateurs qui utilisent pour la première fois cette technologie. Alors qu’ils étaient habitués à effectuer des croquis rapides et des dessins pour pouvoir visualiser le résultat il a fallu se focaliser d’abord sur le contexte et les détails, avant de voir le rendu final. Mais comment imaginer Vaiana, La Légende du Bout du Monde, autrement qu’en animation 3D ? L’océan, qui a bénéficié d’un traitement particulier, ne pouvait pas être réalisé traditionnellement. Le mouvement de la mer et des vagues est époustouflant, photo-réaliste et crédible. A tel point qu’il est devenu un personnage à part avec son propre caractère : ses joies, ses peines et ses colères… ses sentiments sont portés à l’écran sans aucun mal. L’animation possède le même degré de subtilité que le scénario : riche, foisonnante et détaillée.

Impossible de ne pas parler des tatouages de Maui, le lien entre l’animation traditionnelle et la 3D. Mini-Maui a été animé à la main et appliqué sur le corps du Demi-Dieu. Une belle trouvaille et un délire graphique. Mini-Maui (sorte de Jiminy Cricket) permet d’humaniser son modèle réel et de le rendre moins détestable. Il commente et illustre les situations et se paie le luxe de participer à l’intrigue.
Les tatouages sont omniprésents dans le film (mais seul Mini-Maui est animé) : ils occupent une place importante dans la culture polynésienne que le 56ème Classique Disney parvient à dépeindre avec précision.

Un film authentique et subtil

Puisque l’on parle des tatouages, attardons-nous encore un peu sur celui de Maui, qui a été fabriqué de toute pièce pour les besoins du film. Les motifs correspondent à son histoire personnelle : Maui fait sortir les îles de l’eau, il attrape le soleil avec son hameçon, il combat des monstres… A chaque fois que le personnage réalise un exploit, un nouveau tatouage apparaît sur son corps.
Pour les polynésiens, le tatouage est lié à l’intime et à l’histoire personnelle de chacun. Il se gagne après avoir fait face à des épreuves et façonne les individus. Comme un rite initiatique, il occupe une place primordiale dans la culture polynésienne et le film ne manque pas de nous le rappeler. De nombreux personnages portent ainsi leur propre motif, y compris Grand-Mère Tala avec le symbole de la raie, omniprésente dans l’ensemble du film. Ces tatouages sont le témoignage le plus direct de l’authenticité du film.  Malgré une vive polémique concernant Maui avant sa sortie (nous n’allons pas revenir dessus, vous pouvez regarder cet article de Radio Disney Club pour en savoir davantage), le pari est gagné, haut la main !

Jamais un film Disney n’aura semblé si authentique, si respectueux de ses racines et si riche en détails. Il traite des pans entiers de la culture polynésienne sans jamais faiblir et se paie le luxe d’être parfaitement accessible. D’un véritable intérêt pédagogique, il a été intégralement doublé en tahitien ! Le travail effectué par les équipes du film pour trouver le ton le plus juste et le plus réel possible a été phénoménal.

Les natifs ont directement influencé les choix de l’équipe du film. Chaque élément à l’écran, chaque ligne du scénario, chaque parole des chansons et même le design des personnages, ont ainsi été validés par  l’ « Oceanic Trust » : un conseil regroupant des anthropologues, historiens, linguistes et chorégraphes de nombreuses îles du Pacifique.

Les voix des personnages ont été sélectionnées avec grand soin. Auli’i Cravalho, originaire de Hawaii, a ainsi été recrutée après des semaines de casting. Aujourd’hui, un an après le film, elle occupe déjà une place particulière dans la sphère Disney. Proche de son personnage, Vaiana, à qui elle a prêté sa voix, elle porte l’héritage de ses ancêtres et celui du film sur ses épaules. Plus forte encore que Dwayne Johnson qui a doublé Maui, elle est la véritable star du film et ne laisse absolument personne indifférent.
Le rôle titre de la version française a été confié à Cerise Calixte (qui avait participé en 2015 à The Voice en interprétant Libérée, Délivrée) qui vient de Tahiti tandis qu’Anthony Kavanagh, habitué des doublages Disney en France (Buck dans La Ferme se Rebelle et Ray dans La Princesse et la Grenouille) a donné de la voix pour Maui. Disney effectue comme à son habitude un beau travail de francisation, le peps d’Auli’i Cravalho en moins.

Des chansons réussies qui restent en tête

Autre élément essentiel pour tout classique Disney réussi : la musique. Lin-Manuel Miranda (lauréat d’un Tony Awards pour la composition de Hamilton à Broadway), Mark Mancina (Tarzan, Frère des Ours, Planes…) et Opetaia Foa`io (du groupe Te Vaka) ont travaillé ensemble pour livrer une bande originale de grande qualité. 7 chansons accompagnent et rythment le film, chacune avec sa propre sonorité et sa propre dynamique. Très efficaces dans leur globalité, seule la chanson Bling Bling de Tamatoa déçoit.

Après le tube planétaire de Let It Go, Disney récidive avec une nouvelle chanson mémorable qui ne quitte plus le spectateur : How Far I’ll Go (Le Bleu Lumière en français) réussit l’exploit de s’éloigner de la recette utilisée dans La Reine des Neiges. Ici, c’est la rythmique qui compte. Elle fonctionne comme un leitmotiv à travers le film et elle accompagne Vaiana dans ses épreuves. Elle évolue en même temps que le personnage grandit, jusqu’à son ultime consécration ou elle embrasse son destin. Elle entraîne le spectateur par ses phrases courtes et l’incite au voyage avec les instruments d’origine polynésiennes. Elle marque ainsi immédiatement les esprits et laisse une empreinte intemporelle. Après La Reine des Neiges, c’est un plaisir réel de voir Disney renouer sans concession avec la comédie musicale. Espérons qu’ils maintiennent ce cap et qu’ils continuent de nous faire rêver avec des productions de cette qualité.

Alors, on recommande Vaiana, La Légende du Bout du Monde ?

S’il fallait chercher un genre ou l’originalité, le risque et la malice existent, c’est vers le film d’animation qu’il faut aujourd’hui se tourner. Vaiana dépasse de ce fait l’ensemble de la production cinématographique de 2016. Tout en restant fidèle aux valeurs de Walt, le nouveau Walt Disney Animation Studios revisite et dépoussière le mythe de la Princesse potiche. Plus encore que Raiponce en 2010, le propos humaniste (et donc féministe) du film, résonne profondément dans nos sociétés. Couplé au message écologique qu’il distille tout au long de la narration, tout fan d’animation Disney se doit de le voir !

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On a aimé

  • Le film met la Polynésie parfaitement en image

  • Vaiana, princesse moderne, attachante et indépendante !

  • Les graphismes : rien n’est à jeter !

  • La bande originale et les séquences musicales, d’une grande richesse et variété.

  • La voix d’Auli’i Cravalho (en VO) qui habite Vaiana

On n’a pas aimé

  • La séquence avec Tamatoa et sa chanson, la seule faiblesse du film.