The Greatest Showman,
la comédie musicale comme remède au cynisme

  • Réalisé par : Michael Gracey

  • Bande Originale : Benj Pasek
    et Justin Paul

  • Durée : 1h45 min

  • Sortie en France le : 24 janvier 2018

The Greatest Showman est l’histoire de Phineas Taylor Barnum, le « prince des charlatans » du XXe siècle, tour à tour inventeur du grand spectacle américain et du show business moderne. Pour son premier film, l’Australien Michael Gracey a livré un film musical captivant, toujours positif, comme une réponse à la morosité ambiante qui gangrène le cinéma contemporain. Dans un tourbillon de chants, de musiques, de chorégraphies et de danses, il entraîne le spectateur avec lui pour l’inciter à rêver.

Une comédie musicale pour les rêveurs

Dès la scène d’introduction, au rythme des sons pop et des éclairages romantiques, se dresse Hugh Jackman, investi et inspiré par le rôle de P. T. Barnum. La position de son corps, sa gestuelle, sa facilité à inspirer, marque le ton du film. Le message est alors passé : il sera Monsieur Loyal, prêt à nous présenter ses freaks, ses numéros d’acrobaties et sa ménagerie pour nous faire rêver aussi fort que lui et nous emporter dans un univers coloré et surréaliste. A aucun moment, si ce n’est en s’inspirant de quelques faits, le métrage suivra la réalité. Il n’en a jamais eu la prétention et c’est bien mieux :  il vaut en effet bien plus que cela. Au diable les circonvolutions inutiles, le cynisme des propos lourds et tragiques qui parsèment le cinéma. Ce qui importe ici, c’est le rêve et la célébration de la vie sous toutes ses formes.

La générosité du film permet de côtoyer de nombreux thèmes pour les mélanger dans un grand barnum étonnamment facile à lire : l’acceptation et le dépassement de soi, la marginalité, la fraternité. Chaque scène met en lumière un de ces propos, sans s’encombrer d’autres. Le scénario est construit de manière plutôt fragmentaire, chaque scène n’étant focalisée que sur elle-même. Les situations sont ainsi vite résolues, souvent en l’espace de quelques minutes. Cette sensation de scénettes peut éventuellement gêner, avec des ficelles parfois trop évidentes qui forcent la progression de l’histoire, mais elles permettent de se focaliser sur les émotions pures. Le propos est appuyé par une caméra virevoltante, mais en douceur, pendant les numéros musicaux : le montage est ainsi propre et maîtrisé, pour nous permettre une lecture fluide sans temps mort ni changement de tonalité. L’enrobage est d’une belle homogénéité, avec une palette émotionnelle qui à chaque plan parvient à se marier avec l’esthétique.

Alors que l’on ressent les influences de Moulin Rouge de Baz Luhrmann chez Michael Gracey (tous deux Australiens, de même que Hugh Jackman), il n’en reprend pas la folie et la frénésie dans sa mise en scène. On observe dans The Greatest Showman quelque chose de bien plus lisse et plus sage, comme pour éviter toute prise de risque et de style trop affirmé. Les dialogues ne se montrent pas des plus marquants non plus, mais les paroles des chansons, leur simplicité plus directe, donnent toute la substance à cette comédie musicale, le reste n’étant qu’un emballage servant de transitions.

Des numéros musicaux fantastiques avec une musique inoubliable

S’il y a bien quelque chose qu’il est impossible de ne pas aimer dans The Greatest Showman, c’est clairement la bande originale et les numéros musicaux. Elle est inspirée et entêtante. Il suffira de l’écouter une fois pour se laisser charmer par ses airs et ses mélodies. A vrai dire, cette bande son est un vrai un coup de maître. De nombreuses personnes ont découvert le film grâce à elle. Des signes qui ne trompent pas : l’album est premier au niveau des ventes digitales mondiales, devant les albums des mastodontes Eminem et Ed Sheeran et la récompense de Meilleure Chanson des Golden Globes a été décernée à This Is Me, portée par Keala Settle (Lettie Lutz dans le film). Il n’y aucune fausse note dans le répertoire du film ni aucun titre moins bon qu’un autre.

C’est à Justin Paul et Benj Pasek que l’on doit de cette BO parfaite (oui, rien que cela), accompagnés du compositeur John Debney (Iron Man 2, Le Livre de la Jungle de Jon Favreau…). Pas tout à fait novices, ils ont officié sur les paroles des chansons du chef-d’œuvre La La Land en 2017. Avec leur héritage issu de la scène, on retrouve leur inspiration de Broadway et l’utilisation des arrangements pop en décalage avec l’époque dépeinte. Ils parviennent à emmener le spectateur sans aucune difficulté dans leur univers sonore. Les chansons varient à travers tout le film, en passant de ballades aux titres plus rythmés et entraînants. Les deux surdoués usent et abusent sans aucune difficulté de la matière foisonnante que porte l’univers du film : des changements de rythme et de tempo, de tonalité, de solos, de duos, de chœurs…

On se laisse embarquer dès les premières secondes dans ce grand-huit auditif, avec nos sens et notre cœur qui battent la cadence et la chamade à chacun des morceaux musicaux. Si le film est attachant, malgré ses quelques défauts, la BO lui permet de frôler les ténors du genre : alors oui, je vais oser le dire, il dépasse aisément Moulin Rouge grâce à la qualité des chansons. Quand on sait que Pasek et Paul vont officier sur la musique de l’adaptation live d’Aladdin, on ne peut que se réjouir !

Pour mettre en scène ces morceaux de bravoure, la mise en scène devait être à la hauteur. Là aussi, c’est un pari réussi. Le timing et la complexité des chorégraphies mettent en valeur les chansons et nous partagent une joie communicative. Les acteurs sont inspirés, donnant corps aux notes et aux personnages dépeints avec une simplicité désarmante. La caméra est toujours posée là où il faut pour capter un geste ou un regard qui vient sublimer la chanson. Contrairement à la frénésie de la cinématographie de Moulin Rouge (encore lui !), on retrouve ici un rythme plus posé et globalement même mieux maîtrisé.

De nombreux personnages… qui brouillent le message du film

Puisque The Greatest Showman met en avant des freaks de foire, on l’attendait pour son propos humaniste, dans l’espoir d’y trouver un message d’humilité sur fond de la diversité humaine et de la lutte des classes. Malgré la puissance du titre This Is Me, ce n’est pas tout à fait le cas. Les bandes-annonces trompeuses peuvent avoir berné le public tant elles semblaient souligner ce point. Les nombreux personnages du récit empêchent tout approfondissement du propos. Chacun représente en soi un cliché assez prévisible, comme un outil qui, une fois utilisé, ne sert plus vraiment.
Des raccourcis sont également pris lors des morceaux musicaux pour faire avancer très rapidement le récit. Tout va ainsi très vite et nous n’avons pas beaucoup de temps pour appréhender le propos. Heureusement, la magie opère grâce à la composition des images, la variété des situations et la qualité des chansons. Au final, on ne sait plus trop ce que veut nous raconter Michael Gracey : un film sur la différence, sur la carrière de P. T. Barnum, sur le cirque ? Ce grand fourre-tout en fait aussi sa force, tant le film est généreux avec le spectateur et noble dans ses intentions.

Les acteurs livrent de leurs personnes et assurent le spectacle. Hugh Jackman, également producteur, prend plaisir à danser et à chanter et cela se voit. Il met en œuvre l’étendu de son talent et prouve à nouveau qu’il est l’un des acteurs les plus talentueux d’Hollywood. Son alchimie avec Michelle Williams (Charity Barnum) fait des merveilles. Le duo Zac Efron et Zendaya fonctionne également plutôt bien, même s’il n’est pas totalement exploité. Ils ont même droit à l’une des plus belles séquences du film, à la fois pleine d’entrain et de retenue. On ne peut que saluer l’ensemble du casting cinq étoiles qui porte le film sur ses épaules.

Alors, on recommande The Greatest Showman ?

Les fans de musical doivent aller le voir et se laisser entraîner dans l’univers de P. T. Barnum, du moins, celui dépeint par le film. Sans aucune volonté d’être réaliste, il opère un retour même à ce que devrait être le cinéma : un moment d’évasion, de magie et de plaisir. Il rappelle le cinéma de Georges Méliès où, loin de la réalité, il était possible de rêver. Même si son propos trop lisse peut irriter certains, il serait dommage de ne pas en profiter. Cette comédie musicale est un remède à l’aigreur du cinéma contemporain, là où même La La Land paraissait désabusé et nostalgique. The Greatest Showman est une ode à la vie et à l’inventivité.

On a aimé

  • Des chansons et des numéros musicaux inoubliables

  • Hugh Jackman qui chante, qui danse, qui s’éclate et qui prend du plaisir !

  • Des images superbes, colorées et chaleureuses

  • Un portrait, certes léger, de la différence et de la marginalité

On n’a pas aimé

  • La narration veut trop en faire et va trop vite

  • Des personnages sous-exploités